Sons et lumières

Une berline UAV fendait la nuit sans lune sur la route nationale 145. Pendant qu'il roulait à toute vitesse vers Grossburg, Pouchkine revoyait ses plans. Kratchok avait eu beau faire le malin avec son vote et ses drapeaux, il n'en était pas moins un détail qu'il avait oublié : la Première Armée Violette était stationnée à la frontière zollerno-valdiske, et comptait également de nombreuses bases aériennes dans l'arrière-pays. Pas moins de 200 000 soldats professionnels, des centaines de chars, des milliers de canons, des dizaines d'appareils violetistes étaient toujours là, au milieu du VestSkanya, aux mains d'une force loyale à l'Union Violetiste. C'était désormais sa carte maitresse. La visite qu'il avait rendu à ses contacts officiers de la base du 1er Corps de Grad-am-See s'était parfaitement déroulée. Les militaires pestaient contre la Militsya qu'ils accusaient de ne pas savoir mater les contre-révolutionnaires, quant aux policiers autonomes, ils ne leur faisaient pas confiance, les accusants d'être à la solde des ligueurs.

La berline quitta la route principale à une intersection puis s'arrêta dans une cour de ferme de la banlieue de Grossburg. Au loin, on apercevait toujours les lueurs du terminal gazier du port de Grad d'où la majorité du Gaz de Savonite Liquide était exporté par tankers vers Maskva, les centres industriels valdisks et vers le Krassland par le Canal Transcontinental. Pouchkine alluma une cigarette. L'air était lourd d'une odeur de souffre provenant des industries de la savonite. La porte de la ferme s'ouvrit et un homme en tenue militaire de l'Armée Violette en sortit. Se retournant brièvement, Pouchkine lança:

- Pavel, que dit Grand-Mère ?

- Elle confirme.

- Excellent. Contactez la base de Novinski et dites-leur d'envoyer les feux d'artifices. Sur Novinski pour l'instant. Contactez aussi Grad qu'ils envoient les fayots. Nous avons perdu assez de temps comme ça avec cette marionnette de Kratchok. On se charge uniquement du coin, et Brevsk s'occupera du reste du pays.

Si Pouchkine avait réussi à convaincre les officiers de Grad-am-See, il ne fut pas reçu avec autant de succès à Novinsky. La petite "farce" aéronautique de son groupe de barbouzes avait réussi à semer la confusion temporairement à la base aérienne de Novinsky, mais le contrôle de celle-ci avait été vite repris par les troupes de la police militaire, la fameuse DVM. Les pilotes responsables de l'attentat avaient dû s'éjecter en rase campagne pour ne pas se faire cueillir dès leur aterrissage. Pire, les hauts-gradés de Novinsky était d'origine vestskanyenne pour une bonne part, et les envoyés de Pouchkine s'étaient fait arrêter aussitôt qu'ils leur avaient proposé de retourner leur veste en faveur de la Grande Vojdka.

Pouchkine, toujours à Grad, tambourinait sur la table, cherchant quelle manoeuvre il devait effectuer pour remplir sa mission au VestSkanya. Il ne fallait pas laisser l'initiative, ni aux Ligueux, ni au PVV.

- Passez-moi le commandement militaire de Grad au téléphone ! Camarade officer ? Faites mouvement depuis la frontière vers Novinsky. Nous allons tenter un encerclement tant que Maskva ne réagit pas !